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Revenons aux bases (se baser sur)

Anglicismes Partie V

Cinq anglicismes fréquents à éviter

Voir Introduction ici.

Partie V

Revenons aux bases
(se baser sur)

À la base, baser est ce qu'on appelle un dénominal du substantif base, c'est-à-dire un verbe dont le radical reprend un nom, auquel s'ajoute un suffixe, ici -er.

Pour en comprendre le(s) sens, propre ou figuré, il faut donc revenir aux sens du nom d'origine :

  • la base est d'abord au sens propre « l'assise sur laquelle repose un corps » ; au sens figuré « le principe fondamental sur lequel repose une idée » ;
  • la base est aussi « un lieu se concentre un personnel et un matériel spécialisés », par exemple la base d'opérations militaire ; au sens figuré « un point de départ ».

De là, on prête deux sens au verbe baser :

  • « prendre qqch. pour base, pour principe fondamental » ;
  • « établir qqch. quelque part », par exemple baser l'armée à Marseille.

La controversée forme pronominale : se baser sur

Quel est son sens ? Construire sa pensée ou son propos sur quelque chose. En cela, cette forme est synonyme d'autres formes bien connues comme se fonder sur ou s'appuyer sur.

Le verbe baser est employé depuis longtemps. Quant à la forme se baser sur, on la retrouve surtout à partir du XIXe siècle, où l'on discute déjà de sa pertinence. Depuis elle n'a cessé de gagner du terrain à l'oral comme à l'écrit.

Principal concurrent

Son concurrent principal est se fonder sur. Si l'on compare les deux formes, on note que la famille de ce dernier est plus large en ce qu'on y retrouve plusieurs substantifs : fond, fondement, fondation, ces deux derniers étant des déverbaux de fonder, c'est-à-dire des noms formés à partir du verbe. Le verbe peut donc se référer à trois substantifs différents et invoquer l'ensemble de leurs sens.

Parmi les sens de fonder, que l'on retrouve dans fondation « action de fonder », « établir, construire » en est un principal. Fonder une ville, c'est certes poser ses fondations, mais c'est donc aussi la construire. Un établissement d'intérêt public ou d'utilité sociale est appelé une fondation. Baser ne porte pas ce sens.

Le verbe à trois problèmes

Pourquoi la locution verbale se baser sur est-elle à employer avec prudence ?

J'identifie trois éléments de réponses que je classerais par pertinence :

  1. D'abord, nous avons vu que se baser sur avait plusieurs synonymes qui semblent plus appropriés (se fonder, s'appuyer sur), il est même possible d'employer d'autres formulations qui semblent plus justes, comme « prendre qqch. pour base » sur le modèle par exemple de « prendre pour exemple qqch. » ;
  2. Ensuite, une base est ce qui se situe ou se place en dessous de quelque chose, elle est « l'assise sur laquelle... », « le principe sur lequel... », on attendrait donc un complément introduit par la préposition sous, mais on préférera sans doute se contenter de compléments de lieu comme se baser à ou près de. Se baser sur apparaît donc comme une formulation contradictoire, car puisque la base est l'élément introduit par la préposition sur, alors cela revient à dire baser sur une base, comme vivre sa vie ;
  3. Enfin, baser ne porte pas le sens de construire, contrairement à se baser sur, forme certainement influencée par se fonder sur, puisque fonder, nous l'avons vu, signifie aussi poser les fondations de qqch. et donc construire qqch.

Aucun de ces points ne suffit seul à critiquer l'usage de se baser sur, puisque l'existence préalable de synonymes ou d'autres formulations n'empêche en rien celle-là qui participe après tout à la richesse de la langue ; puisque des formulations pléonastiques comme vivre sa vie, au-delà de leur signification littéraire, sont présentes et admises en français ; puisqu'il arrive bien que des verbes pronominaux prennent un autre sens que leur forme simple.

Toutefois, ces trois points réunis invitent à rester prudent quant à l'utilisation de se baser sur. Bien entendu, les langages courant et oral accueillent avec aisance cette locution, mais ce qui nous intéresse ici est la justesse de son emploi dans un texte édité et publié qui requiert une langue autrement plus précise.

Un anglicisme ?

Que l'usage répandu de se baser sur soit un anglicisme, c'est une présomption de ma part. En effet, il m'est d'avis que l'influence de l'anglais based on est loin d'être étrangère à sa popularité, quand d'autres formulations, bien moins problématiques en français et tout aussi usuelles, lui cèdent étrangement le pas. Basiquement, (se) baser sur relèverait du calque.

Notez par exemple que l'expression si courante au cinéma « based on a true story » se traduit en français par « d'après une histoire vraie » et non par « basé sur une histoire vraie ». Très bonne traduction qui évite habilement le calque.

Quoi qu'il en soit, cet article marque la fin de cette première série consacrée aux anglicismes les plus courants. Merci de l'avoir suivie, vous trouverez les liens des autres articles par ici.

Rôlistement vôtre.

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Revenons aux bases (se baser sur)
Atelier Rôlecture 30 décembre 2024
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